Bien sûr, il y aura un vainqueur au scratch et selon toute probabilité, il s’agira d’un des huit multicoques géants de la classe Ultime. Mais il y a aussi une timbale à décrocher dans les quatre autres catégories. Revue des forces en présence à trois jours du départ.
Ultimes : la prime aux plus gros ?
Les conditions météo annoncées sur la route de Pointe-à-Pitre (24 heures de près, 24 heures de reaching, puis du portant) semblent aujourd’hui être très favorables aux trois plus gros bateaux de la classe Spindrift 2, Banque Populaire VII, Sodebo Ultim’ (et dans une moindre mesure Idec Sport) capables de vitesses de croisière supérieures à 30 nœuds au portant, le tout dans un relatif confort de navigation. Mais la longueur et la puissance ne font pas tout. Encore faut-il que Yann Guichard, Loïck Peyron et Thomas Coville soient physiquement à même de tirer le potentiel des géants sur lesquels ils sont embarqués. Sur le Maxi80 Prince de Bretagne, son trimaran de 24 mètres taillé pour la transat, Lionel Lemonchois, double vainqueur de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe et détenteur du temps de référence sur le parcours a aussi son mot à dire, car l’homme est redoutable lorsqu’il faut attaquer en multicoque. Ce qui est presque certain, c’est qu’il y aura deux courses dans la course. L’une opposant les grands, l’autre les Multi70, car on voit mal sur le papier (et compte tenu des prévisions météo actuelles) comment les petits poucets de la classe pourraient l’emporter.
Multi 50 : un quatuor pour l’or
Dans cette catégorie assez hétéroclite qui réunit des bateaux des années 1980 et de dernière génération, quatre concurrents se dégagent naturellement pour la course au podium et à la victoire : Erwan Le Roux (FenêtréA-Cardinal) Yves Le Blévec (Actual), Loic Fequet (Maître Jacques), grands animateurs de la classe Multi50 depuis 5 ans. A ce trio, il faut ajouter Lalou Roucayrol, grand spécialiste du multi en solitaire (2e en 2010 dans la même catégorie et 3e 2002 en Orma), à bord d’un bateau conçu et construit par ses soins, Arkema Région Aquitaine, le plus récent de la flotte. A noter la présence dans les rangs du bateau détenteur du titre (Rennes Métropole-Saint Malo Agglomération, l’ex Prince de Bretagne) mené cette année par Gilles Lamiré.
Imoca : un fauteuil pour quatre
Chez les pronostiqueurs, deux noms émergent de la liste des neufs partants : Vincent Riou (PRB) et François Gabart (Macif). Pourquoi ? Parce que les deux hommes ont démontré qu’ils étaient un cran au dessus lors des entrainements d’hiver à bord de bateaux rapides et optimisés selon les nouvelles règles de la jauge Imoca. Mais une transat en course n’est pas un entrainement. Jérémie Beyou (Maître Coq) surfe sur la vague de sa troisième victoire dans La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire et est réputé pour sa niaque en compétition. Tandis que Marc Guillemot (Safran) fera parler l’expérience et la connaissance extrême qu’il a de son bateau.
Class40 : un quart de la flotte peut gagner
Ils sont une douzaine à pouvoir espérer le titre pour une course qui promet d’être disputée jusqu’aux derniers milles autour de la Guadeloupe. Avec 43 partants, la Class40 sera par excellence celle des surprises. Quelques favoris se dégagent toutefois des pronostics : Sébastien Rogues (GDF SUEZ) qui a tout gagné la saison dernière à bord de son Mach40 (plan Manuard) ; Nicolas Troussel (Crédit Mutuel de Bretagne), double vainqueur de La Solitaire et 2e du Rhum 2010; le très expérimenté Halvard Mabire (Campagne 2 France) armé d’un Pogo de dernière génération, Kito de Pavant (Otio-Bastide Médical), nouveau venu dans la classe mais expert en navigation solitaire et qui s’est beaucoup entrainé cet été ; l’ancien Ministe Bertrand Delesne (TeamWork 40). Attention aussi au Catalan Alex Pella dont le bateau, Tales 2 Santander 2014, le seul plan Botin de la flotte, est réputé marcher comme un avion de chasse. Enfin, une bonne surprise pourrait venir du jeune et fougueux Guadeloupéen Nicolas Thomas (Guadeloupe Grand Large-1001 Piles Batteries) coaché cet hiver par Jeanne Grégoire. Que dire enfin de l’excellent Yannick Bestaven (LE CONSERVATEUR), à la barre du dernier Class40 mis à l’eau cette année (plan Verdier) : le bateau promet d’être très performant. Seul hic : il est sorti de chantier il y a quelques semaines à peine. Dans le résultat final, il faudra aussi compter sur de nombreux d’outsiders parmi lesquels Damien Seguin (ERDF-Des Pieds et des Mains), l’Italien Giancarlo Pedote (Fantastica) ou encore le Britannique Conrad Humphreys (Cat Phones).
Classe Rhum : un sacré cocktail
Quelle embarcation l’emportera aux Antilles : un monocoque ou un multicoque ? Et le scénario de 1978 reviendra t-il au goût du jour ? Les bateaux qui s’étaient illustrés dans la toute première Route du Rhum seront au départ de cette 10e édition avec deux petits trimarans jaunes (Acapella/Charlie Capelle et Groupe Berto/Jean Paul Froc) et deux grands cigares noirs (Krit’RV/Benjamin Hardouin et Cap au Cap Location/Wilfrid Clerton). En monocoque, tous les regards sont tournés vers le tenant du titre, l’Italien Andrea Mura (Vento Di Sardegna) à condition que son plan Felci de 50 pieds tienne la cadence face au 60 pieds du légendaire Sir Robin Knox-Johnston (Grey Power). En multicoque, Anne Caseneuve sur son Multi 50 ANEO a toutes les chances de s’imposer. A moins que Patrick Morvan (Ortis) ne vienne jouer les trouble-fêtes sur son petit trimaran signé Cabon (40 pieds), redoutable aux allures portantes.
Le chiffre du jour
6 : c’est le nombre de marins guadeloupéens : Philippe Fiston (Ville de Sainte-Anne – Guadeloupe – Class40), Rodolphe Sépho (Voiles 44 AAEA CAVA – Class40), Nicolas Thomas (Guadeloupe Grand Large – 1001 Piles Batteries- Class40), Willy Bissainte (Tradysion Gwadloup – Class40), Luc Coquelin (Guadeloupe Dynamique – Classe Rhum) et Dominique Rivard (Marie-Galante – Class40).
Ils ont dit :
Thomas Coville, Sodebo Ultim’ (Ultime): « La vague sur laquelle je surfe depuis qu’on a mis ce bateau à l’eau, c’est l’enthousiasme. J’ai fait 6000 milles en solitaire à bord. Je suis super content d’être ici à saint Malo. Qui va gagner dans notre classe ? Celui qui sera le plus éclectique, le plus caméléon de tous. Est-ce que ce sera le plus gros bateau ? Honnêtement, je ne pense pas. Franck Cammas a ouvert une porte la dernière fois, en 2010, il a osé. Maintenant, on affine cette voie-là. Il faut trouver le bon compromis entre la puissance et de la gestion du bateau en solitaire. On verra aussi si ça reste un sport ou si il faut simplement voir le plus gros moteur pour gagner. »
Vincent Riou, PRB (Imoca) : « Ce sera une course de vitesse, il y aura peu de moments stratégiques. On devrait mettre moins de 13 jours. PRB et Macif sont rapides, mais on a quand même une transat à faire, les autres ont les moyens de jouer s’ils trouvent de meilleures trajectoires. Je suis super détendu, le seul truc stressant, c’est l’heure qui précède le départ. Autant de voiliers en solitaire sur une même ligne, c’est vraiment une expérience ! 91 bateaux, c’est quand même spécial. Il faut le gérer et ce sera sûrement compliqué. La seule pression, c’est de réussir à sortir de Saint-Malo sans encombre. Mon expérience me dit que je n’ai qu’à faire le job et ça se passera bien. »
Erwan Le Roux, FenêtréA-Cardinal (Mutli50) : « Ce que j’espère d’abord, c’est que toute la flotte Multi50 arrive de l’autre côté, ce sera une belle victoire pour la classe. Il va y avoir un match énorme. Globalement, nous nous sommes aperçus que les bateaux les plus récents ont le même pourcentage de vitesse, même si des différences existent à certaines allures. Mais au large, ça nivelle. Ce qui fera la différence, c’est le bonhomme. Le vainqueur sera le meilleur. Celui qui aura mieux fait que les autres : mieux géré son sommeil, les manœuvres, son énergie… »
Kito de Pavant, Otio – Bastide Medical (Class40) : « Favori ? Je ne suis pas sûr que cela signifie grand chose, le solitaire reste par définition une discipline qui bouleverse la hiérarchie en place au départ, et ce d’autant plus que la flotte est très homogène. Il y aura certainement beaucoup de bouleversements dans les classements jusqu’au bout, comme on peut en voir en Figaro. En revanche, le statut d’outsider me convient bien. Je me sens à l’aise à bord du bateau que nous avons beaucoup optimisé et fiabilisé avec mon équipe. »
Alex Pella, Tales 2 – Santander 2014 (Class40) : « Je suis ravi de faire partie de cette magnifique flottille avec un projet 100 % espagnol au départ. Le bateau compte parmi les plus performants. La course s’annonce particulièrement disputée. Au départ, j’ai toujours beaucoup de mal à me dire que je vais gagner même si je pars serein, confiant dans mes capacités à me battre aux avant-postes. »
Jean-Paul Froc, Groupe Berto (Classe Rhum) : « Nous n’avons pas du tout les mêmes potentiels de vitesse dans cette Classe Rhum… Même des bateaux soi-disant sisterships comme le mien et celui de Charlie Capelle : il va 10% plus vite… D’ailleurs lors de la dernière Route du Rhum, il est arrivé deux jours avant sur 24 jours de mer. Mais le challenge n’est pas là : le bateau de Patrick Morvan est un « avion de chasse » et il devrait faire un podium ; le Krit’R V est mené par un de mes « fils spirituels » puisque je l’avais formé sur la Bisquine de Cancale… A la fin de la foire, on compte les bouses car nous n’allons probablement pas suivre la même route ! »
Luc Coquelin, Guadeloupe Dynamique (Classe Rhum) : « Cinquième participation, toujours avec le même bateau ! Et je suis toujours arrivé… Mais cette fois, je trouve que le plateau de la Classe Rhum est très plaisant par sa diversité : la venue d’anciens 60 pieds comme ceux de Diniz ou Knox-Johnston est sympa. Mon plus sérieux concurrent dans la Classe Rhum, c’est l’Italien Andrea Mura qui a un superbe bateau, plus moderne et plus rapide : cela m’oblige à mettre du charbon ! Et le fait que cette catégorie accueille des bateaux et des hommes de légende, c’est top ! »
Source : PenDuick communiqué du 30.10.2014
Crédit photos © A.COURCOUX