Les Antilles en ligne de mire

Après la rafale d’arrivées des trimarans Ultime, les Multi50 sont les prochains solitaires attendus à Pointe-à-Pitre jeudi : Erwan Le Roux semble en bonne posture pour s’imposer dans cette classe tandis que François Gabart est confortablement installé en tête des monocoques IMOCA. Les alizés sont plus ou moins bien installés et encore très instables avec des grains…

Pour ces deux classes, l’issue semble désormais claire : François Gabart (Macif) mène le train chez les monocoques IMOCA avec plus de 60 milles d’avance sur Jérémie Beyou (Maître Coq) tandis que Erwan Le Roux (FenétréA-Cardinal) conforte son avance sur Lalou Roucayrol (Arkema Région Aquitaine) avec plus de 90 milles de marge… Car il n’y a pas trop de surprises à attendre sur la route des Antilles même si les alizés sont parsemés de grains parfois brutaux et surtout très déstabilisants pour les skippers qui hésitent toujours entre réduire la toile ou changer de cap. Car ces cumulonimbus ne préviennent pas : parfois ils apportent essentiellement de la pluie, souvent ils entraînent une rotation importante du vent, des fois une violente bourrasque précède un calme interminable !

Mais les leaders de chacune de ces deux classes font route directe vers la Guadeloupe que le premier multicoque devrait apercevoir dès jeudi matin (heure locale) tandis qu’il faudra patienter une huitaine d’heures supplémentaire pour que le premier monocoque pointe son étrave. Le tour de l’île papillon ne devrait pas remettre en cause la hiérarchie comme cela a été le cas pour les trimarans Ultime, car les écarts semblent suffisants pour faire face à un retour d’un poursuivant…

Une fracture dorsale
Du côté des Class40, le trio leader semble se métamorphoser en quatuor : Yannick Bestaven (LE CONSERVATEUR) grappille les milles dans un alizé toujours parsemé de grains et donc de bascules de vent et de renforcements locaux. Il faut jouer de l’empannage et parfois changer de spinnaker pour ne pas l’exploser dans une rafale : si le grand spi venait à se déchirer, les espoirs de podium s’envoleraient ! Alex Pella (Tales 2 Santander) est toujours aussi rapide que ses deux plus dangereux poursuivants, Kito de Pavant (Otio-Bastide Médical) et Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton) et s’il n’y a pas vraiment de stratégie à long terme puisqu’il faut rester dans ce couloir de vent plus ou moins établi sur le tropique du Cancer, il y a du match tactique pour rester en phase avec les bascules de vent et les initiatives des adversaires.

Pour les Classe Rhum, cette journée est capitale car une dorsale anticyclonique est en train de couper la flotte en deux ! Alors que derrière l’intouchable Anne Caseneuve (ANEO) les leaders sont déjà à la latitude des Canaries, les hautes pressions venues des Açores s’étendent vers le Maroc… Les vitesses sont tombées à moins de cinq nœuds (parfois un seul nœud même) et il faut glisser encore dans le Sud, au moins d’une centaine de milles pour retrouver le parfum des alizés ! Cet aléa météorologique va donc redistribuer les cartes et ce mercredi s’annonce comme un tournant dans la course des Classes Rhum.

Ils ont dit

François Gabart-Macif (IMOCA), 1er au classement de 4h : «  Les nouvelles sont sympas, j’ai de la glisse depuis quelques jours, les conditions sont sympas. Mais je navigue toujours dans des grains : il faut être vigilant, j’ai slalomé entre les nuages depuis début de la nuit. La fin de journée d’hier a été magnifique avec une longue houle, cela surfait bien, le coucher de soleil était somptueux. Les conditions météo sont très plaisantes pour faire du bateau à voile. Dans le détail, on ne se retrouve pas très loin de la route : il est peu probable qu’il y ait des écarts importants par rapport à la route directe. Les alizés sont là mais à l’heure actuelle, cela tourne avec les nuages et les grains. Je vois toujours la lune quand il n’y pas les nuages mais il y a aussi des éclairs partout : c’est impressionnant, je n’entends pas le bruit du tonnerre. Est-ce possible d’avoir un éclair sans tonnerre en zone tropicale ? Il y a la lumière en permanence. J’ai l’impression que l’orage pète dans tous les sens… »

Erwan Le Roux-FenétréA Cardinal (Multi50), 1er au classement de 4h : « Les grains sont en train de passer un peu, cela devient plus stable et ce n’est pas plus mal. Je devrais faire route directe vers l’arrivée sous grand gennaker et grand-voile haute. A priori j’ai peut-être un empannage en fin de journée mais ce sera tout. Il reste encore une  nuit complète en mer avant de voir l’arc antillais et je devrais arriver au lever du soleil jeudi. Je n’ai pas de soucis majeurs, j’essaye de rester concentré jusqu’au bout sur la tâche qui est la mienne, à savoir amener le bateau et l’équipage à bon port. J’ai de l’avance sur mon concurrent Lalou (Roucayrol) et je commence à être pénard mais on ne sait jamais. La vitesse est instable pendant les grains, et j’essaye de mollir un peu sous les nuages. Dans ces conditions, tu as besoin d’avoir une allure plus pépère. L’alizé n’est pas clair. La navigation est vraiment au millimètre. »

Thibaut Vauchel Camus-Solidaires en Peloton (Class40), 3ème au classement de 4h : « C’est régulièrement instable depuis hier, je rencontre des bandes de grains assez étonnantes d’ailleurs : ce sont des trains de nuages qui passent sur le même axe, on a du mal à en sortir et cela peut-être un peu rock’n roll parfois. Je fais route plein Ouest vers les Antilles avec Alex (Pella) et Kito (de Pavant). Quand on regarde les traces, on a de petits déboires, nos trajectoires ne sont pas très régulières à cause de ces grains. Pas mal d’empannages sont au programme. Les routages nous proposent de jouer avec de petites variations de vent. Il faut qu’on arrive à condenser nos empannages. C’est assez exigeant : on arrive à dix jours de course, on commence à être fatigué, on n’a pas la même énergie que les premiers jours, tout peut devenir compliqué. Il reste environ sept jours de mer et le tour de la Guadeloupe peut vite devenir plus long que prévu. On ne va pas se plaindre, les embruns  sont chauds et j’ai vu des poissons volants aujourd’hui. »

Wilfrid Clerton-Cap au Cap Location (Classe Rhum), 5ème au classement de 4h : « Je n’ai pas de vent pour le moment, c’est assez dur : on essaye de s’échapper d’une dorsale en tirant des bords. Ce n’est pas facile, il faut gagner dans le Sud, ce petit plus va faire que cela va vraiment démarrer après. La flotte risque de se scinder en deux, mais cela devrait démarrer là où je me trouve. J’étais en manœuvre depuis une heure sur le pont, je regarde mon cap, il va falloir que j’empanne et que je retourne plus vers le Sud. Je navigue dans six nœuds de vent maximum en ce moment mais avec une houle qui fait que les voiles ballotent. Ce n’est pas bon pour matériel. Il y a urgence à trouver la sortie et pour jouer une bonne place, il y a quelque chose à faire. Je n’ai pas dormi beaucoup depuis deux jours, il va falloir tenir le coup : c’est un tournant dans la course et il faut être dessus ! »

 

Source: Penduick communiqué du 12.11.14

Crédit photos © A.COURCOUX

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