Arrivées en rafale

Après Loïck Peyron, Yann Guichard et Sébastien Josse, ce sont Sidney Gavignet et Lionel Lemonchois qui pointaient leurs étraves vers la ligne d’arrivée pour un mano a mano final superbe en pleine nuit : les deux solitaires étaient à vue pour passer la bouée de Basse-Terre et se débattaient dans les petits airs pour déborder le Sud de la Guadeloupe… À l’avantage de Prince de Bretagne ! Puis ce fut le même scénario au petit matin tropical entre Yann Eliès et Francis Joyon qui se sont départagés sous les reliefs de Basse-Terre.

Incroyable finish pour cet Ultime sprint ! Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) était le premier à déborder l’île de la Tête à l’Anglais, au Nord de la Guadeloupe, mais le solitaire prenait le large pour tenter d’éviter les dévents du volcan de la Soufrière. Grand mal lui prit car Lionel Lemonchois (Prince de Bretagne) qui ne concédait alors qu’une quinzaine de milles, prenait l’intérieur et trouvait une petite veine de vent à raser les côtes : il virait le premier la bouée de Basse-Terre et pouvait s’envoler vers la ligne d’arrivée, au près dans le canal des Saintes pour s’adjuger la quatrième place !

Et de nouveau dans l’après-midi (heure métropole), un duel s’annonçait entre Yann Eliès (Paprec Recyclage) arrivant par le Nord et Francis Joyon (IDEC Sport) venant de l’Est. A noter que le skipper aux multiples records en solitaire avait été pénalisé de deux heures suite à sa trajectoire à l’intérieur du DST Ouessant la nuit du départ : le Jury avait délibéré et le solitaire avait dû tourner en rond pour repasser sur le même point deux heures plus tard, ce qui avait permis à Yann Eliès de s’immiscer devant ses étraves.

Ultime sprint

Les deux skippers se croisaient ainsi à moins de dix milles et engageaient chacun un empannage de recadrage pour passer la Tête à l’Anglais quasiment à vue ! Mais en voulant s’écarter de sept milles sous le vent de l’île, Yann Eliès renouvelait l’erreur d’appréciation de Sidney Gavignet quand le « vieux briscard » Francis Joyon se glissait à quelques encablures du rivage guadeloupéen… Quatre heures plus tard, le grand trimaran rouge embouquait le canal des Saintes quand le 70 pieds bleu passait tout juste la bouée de Basse-Terre ! Francis Joyon terminait ainsi sa sixième Route du Rhum-Destination Guadeloupe à la sixième place…Yann Eliès était attendu sur la ligne d’arrivée autour de 20h (heure métropole).

Pour les Multi50 qui naviguent à cent milles devant les IMOCA et sont attendus à partir de jeudi matin, peu de changement en tête puisque le duel entre le leader Erwan Le Roux (FenétréA-Cardinal) et son dauphin Lalou Roucayrol (Arkema Région Aquitaine) perdure avec toutefois un peu moins d’écart : l’Aquitain semble avoir trouvé une veine de vent plus stable que les alizés à grains du Breton. Les duettistes devraient donc se départager aussi autour de la Guadeloupe ! Et il en sera probablement de même pour les monocoques IMOCA espérés plutôt vendredi même si la cinquantaine de milles d’avance de François Gabart (Macif) sur Jérémie Beyou (Maître Coq) semble bien plus difficile à combler sur cette tranche finale du parcours.

Côté Class40, l’issue est encore lointaine puisqu’il reste plus de 1 700 milles à parcourir pour le leader Alex Pella (Tales 2 Santander) et 2 800 milles pour Nicolas Thomas (Guadeloupe Grand Large-1001 Piles Batteries) qui avait fait escale à La Corogne pour réparer. Au fur et à mesure que les premiers Class40 touchent enfin des alizés soutenus et établis, la flotte s’étire de plus en plus en petites grappes : deux autres solitaires talonnent l’Espagnol, Kito de Pavant (Otio-Bastide Médical) et Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton) tandis que Yannick Bestaven (LE CONSERVATEUR) commence à être décroché à 80 milles du premier. Suit un quatuor qui concède déjà plus de 150 milles, et un trio à plus de 250 milles alors que le peloton navigue à 300 milles du leader, soit plus d’une journée de mer !

Enfin les Classe Rhum suivent leur bonhomme de chemin, souvent au contact des derniers Class40 car Anne Caseneuve (Aneo) semble désormais intouchable avec plus de 200 milles de marge de manœuvre sur des monocoques qui n’ont pas le potentiel de son trimaran de 50 pieds, très à l’aise dans ces alizés d’une vingtaine de nœuds d’Est-Nord Est. Il n’y a plus qu’une série d’empannages à bien enchaîner jusqu’à la Guadeloupe, à l’horizon du milieu de semaine prochaine.

Arrivées de la Route du Rhum

1-Loïck Peyron (Maxi Solo Banque Populaire VII) : 7j 15h 08’ 32
2-Yann Guichard (Spindrift 2): 8j 05h 18’ 46
3-Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) : 8j 14h 47’ 09
4-Lionel Lemonchois (Prince de Bretagne) : 8j 17h 44’ 50
5-Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) : 8j 19h 15’ 24
6-Francis Joyon (IDEC Sport) : 9j 4h 42mn 4sec
7-Yann Eliès (Paprec Recyclage) : temps à venir

Ils ont dit

Lionel Lemonchois-Prince de Bretagne (Ultime) : Trop ambitieux : « Je ne tiens plus debout. Je ne voudrais pas être à la place de Sidney ! Il ne m’a pas vu venir. Je suis passé à terre. Ce n’est pas la première fois que je passe par ici. Toute la course a été une belle bagarre. J’étais un peu dépité il y a deux jours quand je suis tombé dans cette espèce de tempête tropicale en formation. Je visais le podium… J’aurais du faire plus de marquage, j’ai été trop ambitieux. J’espérais encore la deuxième place, j’y croyais. Voilà… »

Sidney Gavignet-Musandam Oman Sail (Ultime) : Deux mauvaises heures : « C’était une belle régate, on est allé vite. Mais je suis déçu, je ne vous le cache pas. J’ai fait 99% de mes erreurs dans les deux dernières heures de course, donc je les ai un peu velues. C’est quand même une très belle course avec de magnifiques bateaux. Il y a eu des grains entre 12 et 25 nœuds, c’était chaud, mais personne n’a chaviré parce que les gars sont bons. Mais ça aurait pu le faire. Avec Seb (Josse), on s’est un peu cherché : je suis sûr qu’il regardait le pointage ! C’est chouette comme on arrive à dormir à 30 nœuds, quand on connaît bien la bestiole. Mais je ne ferais pas ça tous les jours ! Je suis désolé, je voudrais exploser de joie, mais j’ai les boules, j’ai très mal navigué ces deux dernières heures… »

Marc Guillemot-Safran (IMOCA) : Sous la lune : « Actuellement nous sommes dans 20 nœuds de vent. Ce qui est un peu compliqué, c’est que l’alizé oscille entre 15 et 25 nœuds donc il faut gérer et adapter les voiles en permanence parce qu’autrement ça fait quelques départs au lof : ça m’est arrivé plusieurs fois dans les rafales. Les conditions sont bonnes, ce qui est sympa depuis quelques jours, c’est de naviguer avec une lune magnifique. Je suis un petit peu handicapé car je ne peux naviguer qu’avec le petit spi. »

Etienne Hochedé-PiR2-CCI Fécamp Bolbec (Multi50) : Un bon soleil : « Les conditions sont excellentes. Les alizés, la croisière, c’est tranquille au portant. J’ai eu des problèmes de pilote et j’ai déchiré mon spi. Le soleil s’est levé, on est en short et t-shirt et avec le vent, ce n’est pas désagréable. Je suis par 25 degrés Nord donc vers les Canaries mais il n’y a pas encore de poissons volants. Je ne sais pas où sont les concurrents car l’AIS est en panne. Hier, j’en ai vu deux un peu plus loin mais là pour l’instant, je ne vois rien autour de moi. »

Jean Paul Froc-Groupe Berto (Classe Rhum) : Tenir tête au 40 pieds : « C’est incroyable que ce petit bateau jaune arrive à tenir tête à de beaux bateaux modernes. On avance bien. Les conditions sont excellentes : j’ai 12 nœuds de vent de secteur Nord et je marche à 10 nœuds. Je suis à la latitude des Canaries mais je n’ai pas encore les alizés. Il faut attendre encore un peu. Il fait 23°C, j’ai commencé à enlever les pulls. Le mec à l’avant, il n’arrêtait pas de me balancer de l’eau avec son Karcher, mais là c’est cool. Et c’est bientôt la canicule. J’ai des routeurs qui font chauffer les neurones. Il y a des Class40 autour de moi et c’est là que je vois que le bateau est mieux qu’il y a quatre ans car je ne pouvais pas les suivre auparavant. »

 

Source: Penduick communiqué du 11.11.14

Crédit photos © A.COURCOUX

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